mercredi 20 juillet 2016

Brèves vénézueliennes...

Voyage de grimpe au Vénézuela...Aller si loin pour des caillasses...c'est ce que penses beaucoup de gens de mon village , en me souhaitant un bon voyage! 

La grimpe est un prétexte, l ingrédient d une nourriture qui assouvi une faim d aventure, de découverte, de rêve...Le rêve et l'émotion: une nourriture qui abreuve la nature humaine depuis toujours; et qui malheureusement ne s'achète toujours pas. 

L avion à trace sa route, des tepuys de plus en plus hauts surgissent.
En quelques minutes nous nous sommes habitués aux mouvements parkinsonniens de l avion.

Bientôt nous allons être propulsé  (éjaculé (sic) pourrait on dire car beaucoup de rêve, d'imagination, de fantasme, d'envie précède toujours le voyage, un peu comme une première étreinte)  sans transition dans ce nouveau monde. 
La grande sabana s'étend sous la carlingue. Des zones déboisées apparaissent peu à peu. Les indiens procèdent en effet à des écobuages, afin de faire reculer la forêt. De grandes zones de savanes, pareilles à de vertes prairies, mais sans animaux domestiques, ni sauvages, font office de zone tampon entre les cases des villages et la forêt. Redoutable forêt. Ici pas de surpopulation, les villages sont très dispersés, une case tous les 10 km, sauf où nous avons atterrit: il y a 10 cases max dont une église (cabane) et une école bivouac pour touristes.. 

Paradis : baignade, match de foot avec des indiens pemon. Langage universel qu'est le foot: triste monde bas de plafond dans lequel nous vivons. Malraux doit se retourner dans sa tombe avec sa prédiction sur le 21 siècle. Djihadismes, football roi... La spiritualité, les rituels collectifs trouvent refuge où ils peuvent. Ici la nature est généreuse, comme elle le fut chez nous avant que le contact soit irrémédiablement perdu. La réalité est ici réelle et les concepts markété de réalité virtuelle ou augmentée prennent au regard des bruissements de la forêt , la fade saveur des plats préparés bon marché.

On marche. Fait chaud les sacs sont lourds, les porteurs sont bien charges: femmes et hommes dans un respect mutuel. Personne ne se plaint. Les enfants sont forts de porter un sac qui doit être bien plus lourd que celui des écoliers français du même âge.

Bout de forêt en bordure de ruisseau, se laver et boire dans le même instant une bonne lampée d eau. La nature est généreuse : fruit , animaux, eau: ici c est le monde perdu de l harmonie avec la nature que l on retrouve.

On est enfin face au mur. L objet des convoitises , la promesse d heures riches. La peur, la crainte sont bien là. Pourquoi se mettre dans des situations pareilles. Qu ai je perdu la haut ? Quelques choses certainement que la vie occidentale , ordinaire ne m apporte pas . Quelques chose qui a à voir avec le romantisme. Le rocher compact, coloré, les plantes grasses et les nids d hirondelles, les belles prises à saisir à pleine main. Trouver son chemin dans la muraille qui paraît inaccessible. Poser les gestes fluides, Danser une partition  de grimpe toujours renouvelée, être grisé par le vide, les formes de la paroi qui changent à chaque longueur. Se sentir léger, hors du temps, à sa place simplement.

Fait pas beau, le temps défile lentement, rien à faire. Ce repos par obligation a une saveur particulière. Cette journée où fut prévue une intense activité qui se transforme en heures molles. La puissance de la nature apparaît ici encore : rien ne sert de forcer la main , petits hommes. C est le prétexte d infinies discussions qui rebondissent d un sujet à l autre et qui toujours finissent bien loin des préoccupations de la grimpe. Serait on alors autre chose que des bourrins  de grimpeurs égoïstes?  Et Les livres circulent, pas que des topos hein!; sur le grand nord, roman ou essai, des polars et aussi le "monde perdu" qui se savoure ici avec un parfum, une réalité augmentée...

Qu est ce que je fous la bordel !
Porter et hisser ces gros sacs, me bouger au milieu de cette jungle...3000 balles pour en chier , quel con. Entre l idée séduisante de l aventure vénézuélienne, qui situe son homme lors d un dîné en ville et la réalisation : un fossé ou un gouffre. Même après plusieurs expériences, on oublie le poids des sacs ( pas loin de 100 kg pour 5 dans la paroi) les réveils avant l aube et le reste. Ne subsiste alors que l aventure, la griserie de ne pouvoir compter que sur soit, le vertige des lignes fuyantes, la beauté des perroquets multicolores qui nous effleurent, les rapports humains sublimés et les sensations exacerbées par le stress, la peur de tomber, de se faire mal, du vide, la fatigue, la faim et la soif.
3 jours dans le mur, lève 4 h et couche 21 h. A tour de rôle nous grimpons devant.  À chaque longueur son scénario avec toujours les copains qui rigolent au relais alors que devant le plus souvent c est plutôt sérieux. Parfois quelques points dans les longueurs, souvent l itinéraire est dur à trouver: surtout dans la jungle verticale et humide.
On grimpe, on fait relais, on hisse le sac qui contient de quoi vivre dans la paroi ( slip de rechange et brosse à dents proscrits...), on assure le second en même temps. Il arrive et c est à son tour de repartir. On grignote, on boit et assure en même temps( comme quand on conduit quoi, téléphone en moins ici ça passe pas!).

 Le premier jour bivouac sur la vire prévue. Un super balcon 450 m au dessus de la jungle. Étoiles à profusion. Le second jour, chaque longueur se défend; rester calme même quand parfois cela commence à vibrer intérieurement, les mains moites 10 mètres au dessus du friend. La fuite en avant est proscrite. L'accident ici est un sujet tabou car dramatique. Descendre quelqu un dans cette paroi déversante, peu équipée, prendrait beaucoup de temps et d énergie.

A droite, à gauche, le second, pendu au relais, conseille au mieux, au interrogation parfois presque inquiète du premier. Nous ne serons pas de retour comme prévu sur la vire ce soir. Le bivouac comme des animaux se profile presque avec joie: car alors on a le temps de sortir au sommet de de faire cette superbe dernière longueur sur un rocher de cinéma : belle strates au grain doux, plates, chaude, réclamant de bien chercher les préhensions.
Sommet pour tous. L orage qui avait lancer une première salve lors de l avant dernière longueur semble vouloir passer à la grande offensive.  Dernier à passer au rappel, je préfère m abriter à plat ventre dans une faille sur le plateau sommital et attendre la fin de l ondée qui parfois se transforme en petit ouragan . Être mouillé serais presque inconfortable pour la longue nuit ( on se refroidit 7 fois vite mouillé). Plus peur des araignées noires, des serpenst en rampant au fond de la faille. Enfin allongé, la tête posée sur la corde, je lutte contre le sommeil. Faut pas s endormir ici: les autres vont s inquiéter ! Si il remontent les 60 m et me trouvent endormi, cela risque de troubler la belle harmonie de l équipe.   L orage tourne, déjà 1 h sous le caillou. C est sympa mais à la première occase je descends! 

Une grotte, quelques brindilles, un briquet, rien à manger et peu à boire. Bonne formule pour maigrir avant l été. 14 h d action avec quelques barres puis dodo direct sur les pierres: qui dort dîne paraît il: c'est pas vrai!!
. Coucher au sol comme des bêtes , seul le feu nous humanise. Retrouvailles avec l animal que nous sommes tous.

La faiblesse et être lucide responsable de soit

Les serpents ...il y en a, on en parle...un peu comme les pierres du couloir du Goûter. Tous le monde dit que cela craint à mort ( une petite centaine en 20 ans) et pourtant c est blindé de monde ( cela serait mieux que ce monde soit blindé).
Pour les serpents, ici, c est un peu pareil. Au début on fait comme si il n y en avait pas. mais lorsque le troisième jour, le quatrième à passer sur la trace voit un serpent au moment où il allait poser le pied ( 3 personnes déjà passée), il y a comme une prise de conscience pour lui en tout cas! On le prend en photo et on le montre au Venezuelien qui nous accompagne: "c est pas dangereux si il te mord pas , si il te mort , t es muerto. "
Ensuite personne ne dit trop rien mais tout le monde cogite la nuit et le lendemain matin différent prototypes de protections, agrémentée tape Duck et de tapis de sol découpés sont mis au point. On retrouve les talents de chacun: le pointilleux a fait quelques chose au millimètre, l insouciant une protection plus symbolique. Le paroxysme arrive lorsque que même l indien dit que cela craint: dans toute les familles d'indiens que nous questionnons il y a des drames serpentesques; . D autant plus que l un des notre a tué un serpent au cours d une ballade. Je n aurai pas dû aller voir le spécimen: 1 mètre, une peau qui fait méchant ! 
Demain dernière sortie dans la jungle et pour faire la dernière voie ! Cela vaut il la peine? Les indiens nous on racontés  les derniers fait divers : un américain avec une jambe comme ça,, près à crever, un enfant du village mort... C est en rampant que les heures passent avant la dernière approche junglesque!

 Au petit matin, comme un aveugle avec sa canne nous avançons en tâtant toute les zones suspectes pendant les presque 2 h d approche ( du lieu des 1 h15 au début lors de l insouciance)  avec des protections sur renforcées sur les jambes: je crois que l on ressemble plus à des CRS en tenue anti-manifestants qu a des grimpeurs. . Nous essayons d être rationnel avec ce risque, se protéger plus ou moins efficacement, calculer le risque, s improviser statisticien, assureur ,médium, sorcier ...Les indiens en parle tous le temps mais fait ce qu ils on a faire dans la forêt. Il font avec. C'est le risque objectif comme les séracs en montagne: quand on vient dans la jungle on peut se faire mordre. Voilà la réalité. Que l on se protège ou pas. Si on ne l accepte pas faut rester à la maison!

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